Femmes de génie

Qu’ont en commun Clara Schumann, Sophie Germain, Charlotte Perriand, Rosalind Franklin et beaucoup d’autres encore ? Sachant que leurs secteurs d’activité sont aussi divers que la musique romantique, le design, les mathématiques et la biologie génétique…

Ces quatre femmes partagent le génie, – cette intuition phénoménale de penser, d’observer la nature ou de créer autrement –, capable de changer le monde. Sauf que le temps les a petit à petit effacées. Depuis vingt ans, elles ressurgissent enfin par le truchement de notre époque qui réveille ces destins injustement oubliés.

Rares sont les femmes qui ont réussi à se distinguer de leurs pendants masculins tout en maintenant leur place dans l’histoire. Clara Schumann, par exemple, était bien plus célèbre à son époque que son mari, le compositeur Robert Schumann. On lui reconnaissait d’ailleurs un génie qui lui était bien supérieur, aussi bien en composition qu’en interprétation. Les contingences domestiques décourageantes – le couple a huit enfants, Robert est lunatique et jalouse le succès de son épouse –, l’empêcheront de réaliser ses ambitions. À la mort de Robert, Clara abandonne la musique, persuadée, écrit-elle, « qu’une femme ne doit pas prétendre composer ». C’est l’anatomie d’une disparition. En fait, il n’y a guère que Marie Curie, première femme à avoir reçu le Prix Nobel, à n’avoir vu son génie occulté ni par son époque, ni par sa famille. Pierre, son mari, était non seulement son plus proche collaborateur dans ses recherches sur le radium, mais aussi son plus fervent admirateur.

Le dossier de cette édition d’Immorama consacré au génie ne se focalise pas uniquement sur les femmes. Il interroge l’évolution à travers l’histoire d’un concept né dans la Grèce antique. Avec le constat qu’il reste quand même l’apanage des hommes. Alors oui, on reconnaît désormais du génie à certaines femmes du passé. Dans un élan de la dernière chance, on l’accorde vite à celles qui sont encore en vie. On l’a récemment vu en peinture : des artistes longtemps invisibles, souvent en raison de leurs origines, accèdent au rang ultime. Souvent trop tard, leur carrière se trouvant loin derrière elles. Les « nouveaux génies » du XXIe siècle sont désormais tous issus des technologies, milieu très conservateur et hautement viril. Combien de femmes parmi eux ? Bonne question ! La postérité semble ne pas les avoir encore révélées.